I. Introduction
Les fractales sont des objets mathématiques qui présentent des propriétés d'autosimilarité à différentes échelles. Cela signifie que lorsqu'on zoome sur une forme fractale, chacune de ses parties ressemble beaucoup à l'ensemble ; autrement dit, des motifs ou structures géométriques similaires se répètent à différents niveaux de grossissement (voir des exemples de fractales dans la figure 1). La plupart des fractales ont des formes complexes, détaillées et d'une complexité infinie.
figure 1
Le concept de fractales a été introduit par le mathématicien Benoit B. Mandelbrot dans les années 1970, bien que les origines de la géométrie fractale puissent être retracées jusqu'aux travaux antérieurs de nombreux mathématiciens, tels que Cantor (1870), von Koch (1904), Sierpinski (1915), Julia (1918), Fatou (1926) et Richardson (1953).
Benoît B. Mandelbrot a étudié la relation entre les fractales et la nature en introduisant de nouveaux types de fractales pour simuler des structures plus complexes, telles que les arbres, les montagnes et les côtes. Il a forgé le mot « fractale » à partir de l'adjectif latin « fractus », signifiant « brisé » ou « fracturé », c'est-à-dire composé de fragments irréguliers, pour décrire des formes géométriques irrégulières et fragmentées qui ne peuvent être classées par la géométrie euclidienne traditionnelle. De plus, il a développé des modèles mathématiques et des algorithmes pour générer et étudier les fractales, ce qui a conduit à la création du célèbre ensemble de Mandelbrot, probablement la forme fractale la plus connue et la plus fascinante visuellement, avec ses motifs complexes et infiniment répétitifs (voir figure 1d).
Les travaux de Mandelbrot ont non seulement marqué les mathématiques, mais trouvent également des applications dans des domaines aussi variés que la physique, l'infographie, la biologie, l'économie et l'art. En effet, grâce à leur capacité à modéliser et représenter des structures complexes et auto-similaires, les fractales offrent de nombreuses applications innovantes. À titre d'exemple, elles sont largement utilisées dans les domaines suivants, qui ne représentent que quelques exemples de leurs nombreuses applications :
1. Infographie et animation, générant des paysages naturels, des arbres, des nuages et des textures réalistes et visuellement attrayants ;
2. Technologie de compression de données pour réduire la taille des fichiers numériques ;
3. Traitement d'images et de signaux, extraction de caractéristiques d'images, détection de modèles et fourniture de méthodes efficaces de compression et de reconstruction d'images ;
4. Biologie, décrivant la croissance des plantes et l'organisation des neurones dans le cerveau ;
5. Théorie des antennes et métamatériaux, conception d'antennes compactes/multibandes et de métasurfaces innovantes.
Actuellement, la géométrie fractale continue de trouver des applications nouvelles et innovantes dans diverses disciplines scientifiques, artistiques et technologiques.
En électromagnétisme, les formes fractales sont particulièrement utiles pour les applications nécessitant une miniaturisation, des antennes aux métamatériaux en passant par les surfaces sélectives en fréquence (SSF). L'utilisation de la géométrie fractale dans les antennes conventionnelles permet d'accroître leur longueur électrique, réduisant ainsi la taille globale de la structure résonante. De plus, l'autosimilarité des formes fractales les rend idéales pour la réalisation de structures résonantes multibandes ou à large bande. Les capacités de miniaturisation inhérentes aux fractales sont particulièrement intéressantes pour la conception de réflecteurs, d'antennes à réseau phasé, d'absorbeurs métamatériaux et de métasurfaces pour diverses applications. En effet, l'utilisation d'éléments de réseau de très petite taille présente plusieurs avantages, tels que la réduction du couplage mutuel ou la possibilité de travailler avec des réseaux à espacement inter-éléments très faible, garantissant ainsi de bonnes performances de balayage et une stabilité angulaire accrue.
Pour les raisons évoquées précédemment, les antennes fractales et les métasurfaces constituent deux domaines de recherche fascinants en électromagnétisme, qui ont suscité un vif intérêt ces dernières années. Ces deux concepts offrent des méthodes uniques de manipulation et de contrôle des ondes électromagnétiques, avec un large éventail d'applications dans les communications sans fil, les systèmes radar et la détection. Leurs propriétés d'autosimilarité leur permettent d'être de petite taille tout en conservant une excellente réponse électromagnétique. Cette compacité est particulièrement avantageuse pour les applications où l'espace est limité, comme les appareils mobiles, les étiquettes RFID et les systèmes aérospatiaux.
L'utilisation d'antennes fractales et de métasurfaces offre un potentiel considérable pour améliorer les communications sans fil, l'imagerie et les systèmes radar, en permettant la conception de dispositifs compacts et performants aux fonctionnalités accrues. Par ailleurs, la géométrie fractale est de plus en plus employée dans la conception de capteurs micro-ondes pour le diagnostic des matériaux, grâce à sa capacité à fonctionner sur plusieurs bandes de fréquences et à être miniaturisée. Les recherches en cours dans ces domaines continuent d'explorer de nouvelles conceptions, de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques de fabrication afin d'exploiter pleinement leur potentiel.
Cet article vise à passer en revue les progrès de la recherche et des applications des antennes fractales et des métasurfaces, et à comparer les antennes et métasurfaces fractales existantes, en soulignant leurs avantages et leurs limites. Enfin, une analyse approfondie des réflecteurs et des unités de métamatériaux innovants est présentée, et les défis et les développements futurs de ces structures électromagnétiques sont discutés.
2. FractalAntenneÉléments
Le concept général des fractales permet de concevoir des éléments d'antenne originaux offrant des performances supérieures aux antennes conventionnelles. Ces éléments d'antenne fractales peuvent être compacts et présenter des capacités multibandes et/ou à large bande.
La conception d'antennes fractales repose sur la répétition de motifs géométriques spécifiques à différentes échelles au sein de leur structure. Cette autosimilarité permet d'augmenter la longueur totale de l'antenne dans un espace restreint. De plus, les antennes fractales peuvent couvrir plusieurs bandes de fréquences grâce à la similarité de leurs différentes parties à différentes échelles. Ainsi, les éléments d'antenne fractales peuvent être compacts et multibandes, offrant une couverture de fréquence plus large que les antennes conventionnelles.
Le concept d'antennes fractales remonte à la fin des années 1980. En 1986, Kim et Jaggard ont démontré l'application de l'autosimilarité fractale dans la synthèse de réseaux d'antennes.
En 1988, le physicien Nathan Cohen a conçu la première antenne à élément fractal au monde. Il a émis l'hypothèse qu'en intégrant une géométrie auto-similaire à la structure de l'antenne, ses performances et sa miniaturisation pourraient être améliorées. En 1995, Cohen a cofondé Fractal Antenna Systems Inc., qui a commercialisé les premières solutions d'antennes fractales au monde.
Au milieu des années 1990, Puente et al. ont démontré les capacités multibandes des fractales en utilisant le monopole et le dipôle de Sierpinski.
Depuis les travaux de Cohen et Puente, les avantages inhérents aux antennes fractales ont suscité un vif intérêt chez les chercheurs et les ingénieurs du domaine des télécommunications, ce qui a conduit à une exploration et un développement plus poussés de la technologie des antennes fractales.
Aujourd'hui, les antennes fractales sont largement utilisées dans les systèmes de communication sans fil, notamment les téléphones mobiles, les routeurs Wi-Fi et les communications par satellite. En effet, leur petite taille, leur multibande et leur haut rendement les rendent adaptées à une grande variété d'appareils et de réseaux sans fil.
Les figures suivantes présentent quelques antennes fractales basées sur des formes fractales bien connues, qui ne sont que quelques exemples des différentes configurations abordées dans la littérature.
Plus précisément, la figure 2a présente le monopôle de Sierpiński proposé par Puente, capable de fonctionner sur plusieurs bandes de fréquences. Le triangle de Sierpiński est obtenu en soustrayant le triangle central inversé du triangle principal, comme illustré sur les figures 1b et 2a. Ce procédé laisse trois triangles égaux sur la structure, chacun ayant un côté deux fois plus long que celui du triangle initial (voir figure 1b). La même soustraction peut être répétée pour les triangles restants. Ainsi, chacune de ses trois parties principales est exactement égale à l'objet entier, mais à une échelle deux fois plus grande, et ainsi de suite. Grâce à ces similitudes particulières, le monopôle de Sierpiński peut fournir plusieurs bandes de fréquences, car ses différentes parties sont similaires à différentes échelles. Comme le montre la figure 2, le monopôle de Sierpiński proposé fonctionne sur 5 bandes. On constate que chacun des cinq sous-ensembles (structures circulaires) de la figure 2a est une version réduite de la structure complète, offrant ainsi cinq bandes de fréquences de fonctionnement différentes, comme l'indique le coefficient de réflexion d'entrée sur la figure 2b. La figure présente également les paramètres relatifs à chaque bande de fréquence, notamment la valeur de la fréquence fn (1 ≤ n ≤ 5) correspondant à la valeur minimale de l'affaiblissement de retour mesuré (Lr), la largeur de bande relative (Bwidth) et le rapport de fréquence entre deux bandes adjacentes (δ = fn + 1/fn). La figure 2b montre que les bandes des monopôles de Sierpiński sont espacées de manière logarithmique périodique d'un facteur 2 (δ ≅ 2), ce qui correspond au même facteur d'échelle que celui présent dans des structures fractales similaires.
figure 2
La figure 3a présente une petite antenne filaire allongée basée sur la courbe fractale de Koch. Cette antenne est proposée pour illustrer comment exploiter les propriétés de remplissage de l'espace des formes fractales pour concevoir des antennes de petite taille. En effet, la miniaturisation des antennes est l'objectif ultime de nombreuses applications, notamment celles impliquant des terminaux mobiles. Le monopôle de Koch est créé à l'aide de la méthode de construction fractale présentée sur la figure 3a. L'itération initiale K0 est un monopôle rectiligne. L'itération suivante K1 est obtenue en appliquant une transformation de similarité à K0, comprenant une mise à l'échelle d'un tiers et des rotations successives de 0°, 60°, -60° et 0°. Ce processus est répété itérativement pour obtenir les éléments suivants Ki (2 ≤ i ≤ 5). La figure 3a présente une version à cinq itérations du monopôle de Koch (K5) de hauteur h égale à 6 cm, sa longueur totale étant donnée par la formule l = h · (4/3)⁵ = 25,3 cm. Cinq antennes, correspondant aux cinq premières itérations de la courbe de Koch, ont été réalisées (voir figure 3a). Les expériences et les données montrent que le monopôle fractal de Koch améliore les performances du monopôle traditionnel (voir figure 3b). Ceci suggère qu'il serait possible de miniaturiser les antennes fractales, permettant ainsi leur intégration dans des volumes réduits tout en conservant des performances optimales.
figure 3
La figure 4a présente une antenne fractale basée sur un ensemble de Cantor, utilisée pour concevoir une antenne large bande destinée à la récupération d'énergie. La propriété unique des antennes fractales, qui introduisent de multiples résonances adjacentes, est exploitée pour offrir une bande passante plus large que les antennes conventionnelles. Comme illustré sur la figure 1a, la conception de l'ensemble fractal de Cantor est très simple : la ligne droite initiale est copiée et divisée en trois segments égaux, dont le segment central est supprimé ; le même processus est ensuite appliqué itérativement aux segments ainsi générés. Ces itérations fractales sont répétées jusqu'à l'obtention d'une bande passante (BW) de 0,8 à 2,2 GHz (soit 98 % de la bande passante nominale). La figure 4 montre une photographie du prototype d'antenne réalisé (figure 4a) et son coefficient de réflexion d'entrée (figure 4b).
figure 4
La figure 5 donne d'autres exemples d'antennes fractales, notamment une antenne monopôle basée sur la courbe de Hilbert, une antenne patch microstrip basée sur Mandelbrot et un patch fractal d'île de Koch (ou « flocon de neige »).
figure 5
Enfin, la figure 6 présente différentes configurations fractales d'éléments de réseau, notamment les réseaux planaires de type tapis de Sierpiński, les réseaux annulaires de Cantor, les réseaux linéaires de Cantor et les arbres fractals. Ces configurations sont utiles pour générer des réseaux clairsemés et/ou obtenir des performances multibandes.
figure 6
Pour en savoir plus sur les antennes, veuillez consulter :
Date de publication : 26 juillet 2024

